Книга «Праздник, который всегда с тобой» (Paris est une fête) на французском языке – читать онлайн |
Книга «Праздник, который всегда с тобой» (Paris est une fête) на французском языке – читать онлайн, автор - Эрнест Хемингуэй. Эта книга является биографической, и охватывает тот период жизни писателя, когда он был молод, беден и счаслив. И провёл он это время в Париже. Собственно, на создание этой книги повлиял случай – в 1957-м году, когда Хемингуэй снова был в Париже, в отеле «Риц» ему вернули 2 чемодана, которые он там забыл более 30 лет назад. В этих чемоданах, помимо прочего, были его рабочие записи. Все эти воспоминания о прежних днях молодости обрадовали писателя, и натолкнули его на мысли о написании автобиографии. Книга «Праздник, который всегда с тобой» (Paris est une fête), как и другие произведения Хемингуэя, были переведены на многие самые распространённые языки мира (в том числе и на французский). Некоторые другие книги, которые написал Эрнест Хемингуэй, а также произведения наиболее известных писателей всего мира, можно читать онлайн в разделе «Книги на французском языке». Для детей будет интересным раздел «Сказки на французском языке». Для тех, кто самостоятельно изучает французский язык по фильмам, создан раздел «Фильмы на французском языке с субтитрами», а для детей есть раздел «Мультфильмы на французском языке». Для тех, кто хочет учить французский не только самостоятельно по фильмам и книгам, но и с опытным преподавателем, есть информация на странице «Французский язык по скайпу».
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Paris est une fête
PRÉFACE Pour des raisons que l’auteur juge suffisantes, il a omis de faire figurer dans ce livre nombre de gens, de lieux, d’observations et d’impressions. Certains étaient inconnus et d’autres connus de tous, et chacun a écrit déjà son mot là-dessus et sans doute écrira davantage encore. Il n’est pas fait mention, ici, du Stade Anastasie, où les boxeurs servaient les consommateurs attablés sous les arbres et où le ring était dressé dans le jardin. Ni des séances d’entraînement avec Larry Gains, ni des grands combats en vingt rounds, au Cirque d’Hiver. Ni de bons amis tels que Charlie Sweeney, Bill Bird et Mike Strater, ni d’André Masson, ni de Miró. Il n’y est pas fait mention de nos voyages dans la Forêt-Noire, ni des explorations qui nous menaient, pour un jour, dans les forêts que nous aimions, autour de Paris. Il eût été heureux de les trouver évoqués dans ce livre, mais il faudra nous en passer pour le moment. Si le lecteur le souhaite, ce livre peut être tenu pour une oeuvre d’imagination. Mais il est toujours possible qu’une oeuvre d’imagination jette quelque lueur sur ce qui a été rapporté comme un fait. Ernest Hemingway. San Francisco de Paula, Cuba. 1960.
UN BON CAFÉ, SUR LA PLACE SAINT-MICHEL Et puis, il y avait la mauvaise saison. Elle pouvait faire son apparition du jour au lendemain, à la fin de l’automne. Il fallait alors fermer les fenêtres, la nuit, pour empêcher la pluie d’entrer, et le vent froid arrachait les feuilles des arbres, sur la place de la Contrescarpe. Les feuilles gisaient, détrempées, sous la pluie, et le vent cinglait de pluie les gros autobus verts, au terminus, et le café des Amateurs était bondé derrière ses vitres embuées par la chaleur et la fumée. C’était un café triste et mal tenu, où les ivrognes du quartier s’agglutinaient, et j’en étais toujours écarté par l’odeur de corps mal lavés et la senteur aigre de saoulerie qui y régnaient. Les hommes et les femmes qui fréquentaient les Amateurs étaient tout le temps ivres ou tout au moins aussi longtemps qu’ils en avaient les moyens, surtout à force de vin qu’ils achetaient par demi-litre ou par litre. Nombre de réclames vantaient des apéritifs aux noms étranges, mais fort peu de clients pouvaient s’offrir le luxe d’en consommer, sauf pour étayer une cuite. Les ivrognesses étaient connues sous le nom de poivrottes1 qui désigne les alcooliques du sexe féminin. Le café des Amateurs était le tout-à-l’égout de la rue Mouffetard, une merveilleuse rue commerçante, étroite et très passante, qui mène à la place de la Contrescarpe. Les vieilles maisons, divisées en appartements, comportaient, près de l’escalier, un cabinet à la turque par palier, avec, de chaque côté du trou, deux petites plates-formes de ciment en forme de semelle, pour empêcher quelque locataire de glisser ; des pompes vidaient les fosses d’aisances pendant la nuit, dans des camions-citernes à chevaux. En été, lorsque toutes les fenêtres étaient ouvertes, nous entendions le bruit des pompes et il s’en dégageait une odeur violente. Les citernes étaient peintes en brun et en safran et, dans le clair de lune, lorsqu’elles remplissaient leur office le long de la rue du Cardinal-Lemoine, leurs cylindres montés sur roues et tirés par des chevaux évoquaient des tableaux de Braque. Aucune ne vidait pourtant le café des Amateurs où les dispositions et les sanctions contenues dans la loi concernant la répression de l’ivresse publique s’étalaient sur une affiche jaunie, couverte de chiures de mouches, et pour laquelle les consommateurs manifestaient un dédain à la mesure de leur saoulerie perpétuelle et de leur puanteur. Toute la tristesse de la ville se révélait soudain, avec les premières pluies froides de l’hiver, et les toits des hauts immeubles blancs disparaissaient aux yeux des passants et il n’y avait plus que l’opacité humide de la nuit et les portes fermées des petites boutiques, celles de l’herboriste, du papetier et du marchand de journaux, la porte de la sage-femme – de deuxième classe – et celle de l’hôtel où était mort Verlaine et où j’avais une chambre, au dernier étage, pour y travailler. Ce dernier étage était le sixième ou le huitième de la maison; il y faisait très froid, et je savais combien coûteraient un paquet de margotins, trois bottes de petit bois lié par un fil de fer et pas plus longues qu’un demicrayon, pour alimenter la flamme des margotins et enfin un fagot de bûches à moitié numides qu’il me faudrait acheter pour faire du feu et chauffer la chambre. Je me dirigeai donc vers le trottoir opposé pour examiner le toit, de bas en haut, afin de voir si quelque cheminée fumait et dans quelle direction s’envolait la fumée. Mais il n’y avait aucune fumée et j’imaginai combien la cheminée devait être froide et ce qui se passerait si elle ne tirait pas et si la chambre se remplissait de fumée, de sorte que je perdrais et mon combustible et mon argent par la même occasion, et je me remis en route sous la pluie. En descendant la rue, je dépassai le lycée Henri-IV et la vieille église Saint-Étienne-du-Mont et la place venteuse du Panthéon, tournai à droite, en quête d’un abri et finalement parvins au boulevard Saint-Michel, sur le trottoir protégé du vent, et je poursuivis mon chemin, descendant au-delà de Cluny, traversant ensuite le boulevard Saint-Germain, jusqu’à un bon café, connu de moi, sur la place Saint-Michel. C’était un café plaisant, propre et chaud et hospitalier, et je pendis mon vieil imperméable au portemanteau pour le faire sécher, j’accrochai mon feutre usé et délavé à une patère au-dessus de la banquette, et commandai un café au lait. Le garçon me servit et je pris mon cahier dans la poche de ma veste, ainsi qu’un crayon, et me mis à écrire. J’écrivais une histoire que je situai, là-haut, dans le Michigan, et comme la journée était froide et dure, venteuse, je décrivais dans le conte une journée toute semblable. J’avais assisté successivement à bien des fins d’automne, lorsque j’étais enfant, puis adolescent, puis jeune homme, et je savais qu’il est certains endroits où l’on peut en parler mieux qu’ailleurs. C’est ce que l’on appelle se transplanter, pensai-je, et une transplantation peut être aussi nécessaire aux hommes qu’à n’importe quelle autre sorte de créature vivante. Mais, dans le conte, je décrivais des garçons en train de lever le coude, et cela me donna soif et je commandai un rhum Saint-James. La saveur en était merveilleuse par cette froide soirée et je continuai à écrire, fort à l’aise déjà, le corps et l’esprit tout réchauffés par ce bon rhum de la Martinique. Une fille entra dans le café et s’assit, toute seule, à une table près de la vitre. Elle était très jolie, avec un visage aussi frais qu’un sou neuf, si toutefois l’on avait frappé la monnaie dans de la chair lisse recouverte d’une peau toute fraîche de pluie, et ses cheveux étaient noirs comme l’aile du corbeau et coupés net et en diagonale à hauteur de la joue. Je la regardai et cette vue me troubla et me mit dans un grand état d’agitation. Je souhaitai pouvoir mettre la fille dans ce conte ou dans un autre, mais elle s’était placée de telle façon qu’elle pût surveiller la rue et l’entrée du café, et je compris qu’elle attendait quelqu’un. De sorte que je me remis à écrire. Le conte que j’écrivais se faisait tout seul et j’avais même du mal à suivre le rythme qu’il m’imposait. Je commandai un autre rhum Saint-James et, chaque fois que je levais les yeux, je regardais la fille, notamment quand je taillais mon crayon avec un taille-crayon tandis que les copeaux bouclés tombaient dans la soucoupe placée sous mon verre. Je t’ai vue, mignonne, et tu m’appartiens désormais, quel que soit celui que tu attends et même si je ne dois plus jamais te revoir, pensais-je. Tu m’appartiens et tout Paris m’appartient, et j’appartiens à ce cahier et à ce crayon. Puis je me remis à écrire et m’enfonçai dans mon histoire et m’y perdis. C’était moi qui l’écrivais, maintenant, elle ne se faisait plus toute seule et je ne levai plus les yeux, j’oubliai l’heure et le lieu et ne commandai plus de rhum Saint-James. J’en avais assez du rhum Saint-James, à mon insu d’ailleurs. Puis le conte fut achevé et je me sentis très fatigué. Je relus le dernier paragraphe et levai les yeux et cherchai la fille, mais elle était partie. J’espère qu’elle est partie avec un type bien, pensai-je. Mais je me sentais triste. Je refermai le cahier sur mon récit et enfouis le tout dans la poche intérieure de ma veste, et je demandai au garçon une douzaine de portugaises et une demi-carafe de son vin blanc sec. Après avoir écrit un conte je me sentais toujours vidé, mais triste et heureux à la fois, comme après avoir fait l’amour, et j’étais sûr que j’avais fait du bon travail; toutefois je n’en aurais la confirmation que le lendemain en revoyant ce que j’avais écrit. Pendant que je mangeais mes huîtres au fort goût de marée, avec une légère saveur métallique que le vin blanc frais emportait, ne laissant que l’odeur de la mer et une savoureuse sensation sur la langue, et pendant que je buvais le liquide frais de chaque coquille et savourais ensuite le goût vif du vin, je cessai de me sentir vidé et commençai à être heureux et à dresser des plans. Maintenant que la mauvaise saison était revenue, nous pourrions quitter Paris pour quelque temps et nous réfugier en quelque endroit où, au lieu de la pluie, la neige tomberait entre les pins, recouvrant la route et les hautes pentes, et à une altitude où nous pourrions l’entendre craquer, le soir, sous nos pas, au retour de nos promenades. En deçà des Avants, il y avait un chalet où l’on pouvait prendre pension et être admirablement soigné, et où nous pourrions vivre ensemble, et emporter nos vieux livres, et passer les nuits, tous deux, bien au chaud, dans le lit, devant la fenêtre ouverte et les étoiles étincelantes. C’était là que nous pourrions aller. Voyager en troisième classe ne coûterait pas cher. Le prix de la pension serait à peine plus élevé que nos dépenses parisiennes. J’abandonnerais la chambre d’hôtel où j’écrivais et n’aurais à payer que l’infime loyer de l’appartement, 74, rue du Cardinal-Lemoine. J’avais publié des articles dans un journal de Toronto, dont j’attendais le paiement. Je pourrais faire cette sorte de travail n’importe où et dans n’importe quelles conditions et nous avions assez d’argent pour le voyage. Peut-être, loin de Paris, pourrais-je écrire sur Paris, comme je pouvais écrire à Paris sur le Michigan. Je ne savais pas que c’était encore trop tôt parce que je ne connaissais pas encore assez bien Paris. Mais c’est ainsi que je voyais les choses, en l’occurrence. De toute façon, nous partirions si ma femme était d’accord; je finis de déguster mes huîtres et le vin et réglai l’addition, et rentrai par le plus court chemin, en remontant la Montagne Sainte-Geneviève, sous la pluie. Ce n’était plus, pour moi, que le mauvais temps parisien, et il n’y avait pas de quoi changer ma vie; je parvins au plateau, sur le sommet de la colline. «Je crois que ce serait merveilleux, Tatie», - dit ma femme. Elle avait un visage joliment modelé, et ses yeux et son sourire s’illuminaient comme si mes projets étaient autant de présents que je lui offrais. «—Quand partonsnous? — Quand tu voudras. — Oh! je veux partir tout de suite. Tu ne t’en doutais pas? — Peut-être qu’il fera beau et que le temps sera clair, quand nous reviendrons. Il peut faire très beau si le temps est froid et sec. — Je suis sûre qu’il fera beau, dit-elle. Tu es tellement gentil d’avoir pensé à ce voyage.»
MISS STEIN FAIT LA LEÇON Quand nous rentrâmes à Paris, le temps était sec et froid et délicieux. La ville s’était adaptée à l’hiver, il y avait du bon bois en vente chez le marchand de bois et de charbon, de l’autre côté de la rue, et il y avait des braseros à la terrasse de beaucoup de bons cafés pour tenir les consommateurs au chaud. Notre propre appartement était chaud et gai. Dans la cheminée nous brûlions des boulets, faits de poussière de charbon agglomérée et moulée en forme d’oeufs, et dans les rues la lumière hivernale était merveilleuse. On s’habituait à voir se détacher les arbres dépouillés sur le fond du ciel, et l’on marchait sur le gravier fraîchement lavé, dans les allées du Luxembourg, sous le vent sec et coupant. Pour qui s’était réconcilié avec ce spectacle, les arbres sans feuilles ressemblaient à autant de sculptures, et les vents d’hiver soufflaient sur la surface des bassins et les fontaines soufflaient leurs jets d’eau dans la lumière brillante. Toutes les distances nous paraissaient courtes, à notre retour de la montagne. À cause du changement d’altitude, je ne me rendais plus compte de la pente des collines, sinon pour prendre plaisir à l’ascension, et j’avais même plaisir à grimper jusqu’au dernier étage de l’hôtel, où je travaillais dans une chambre qui avait vue sur tous les toits et les cheminées de la haute colline de mon quartier. La cheminée tirait bien dans la chambre, où il faisait chaud et où je travaillais agréablement. J’apportais des mandarines et des marrons grillés dans des sacs en papier et j’épluchais et mangeais de petites oranges semblables à des mandarines et jetais leurs écorces et crachais les pépins dans le feu tout en les mangeant, ainsi que les marrons grillés, quand j’avais faim. J’avais toujours faim à cause de la marche et du froid et du travail. Là-haut, dans la chambre, j’avais une bouteille de kirsch que nous avions rapportée de la montagne et je buvais une rasade de kirsch quand j’arrivais à la conclusion d’un conte ou vers la fin d’une journée de travail. Quand j’avais achevé le travail de la journée, je rangeais mon cahier ou mes papiers dans le tiroir de la table et fourrais dans mes poches les oranges qui restaient. Elles auraient gelé si je les avais laissées dans la chambre pendant la nuit. C’était merveilleux de descendre l’interminable escalier en pensant que j’avais eu de la chance dans mon travail. Je travaillais toujours jusqu’au moment où j’avais entièrement achevé un passage et m’arrêtais quand j’avais trouvé la suite. Ainsi, j’étais sûr de pouvoir poursuivre le lendemain. Mais parfois, quand je commençais un nouveau récit et ne pouvais le mettre en train, je m’asseyais devant le feu et pressais la pelure d’une des petites oranges au-dessus de la flamme et contemplais son crépitement bleu. Ou bien je me levais et regardais les toits de Paris et pensais: «Ne t’en fais pas. Tu as toujours écrit jusqu’à présent, et tu continueras. Ce qu’il faut c’est écrire une seule phrase vraie. Écris la phrase la plus vraie que tu connaisses.» Ainsi, finalement, j’écrivais une phrase vraie et continuais à partir de là. C’était facile parce qu’il y avait toujours quelque phrase vraie que j’avais lue ou entendue ou que je connaissais. Si je commençais à écrire avec art, ou comme quelqu’un qui annonce ou présente quelque chose, je constatais que je pouvais aussi bien déchirer cette fioriture ou cette arabesque et la jeter au panier et commencer par la première affirmation simple et vraie qui était venue sous ma plume. Là-haut, dans ma chambre, je décidai que j’écrirais une histoire sur chacun des sujets que je connaissais. Je tâchai de m’en tenir là pendant tout le temps que je passais à écrire et c’était une discipline sévère et utile. C’est dans cette chambre que j’appris à ne pas penser à mon récit entre le moment où je cessais d’écrire et le moment où je me remettais au travail, le lendemain. Ainsi, mon subconscient était à l’oeuvre et en même temps je pouvais écouter les gens et tout voir, du moins je l’espérais; je m’instruirais, de la sorte; et je lirais aussi afin de ne pas penser à mon oeuvre au point de devenir incapable de l’écrire. En descendant l’escalier, quand j’avais bien travaillé, aidé par la chance autant que par ma discipline, je me sentais merveilleusement bien et j’étais libre de me promener n’importe où dans Paris. Si je descendais, par des rues toujours différentes, vers le jardin du Luxembourg, l’après-midi, je pouvais marcher dans les allées, et ensuite entrer au musée du Luxembourg où se trouvaient des tableaux dont la plupart ont été transférés au Louvre ou au Jeu de Paume. J’y allais presque tous les jours pour les Cézannes et pour voir les Manets et les Monets et les autres Impressionnistes que j’avais découverts pour la première fois à l’Institut artistique de Chicago. Les tableaux de Cézanne m’apprenaient qu’il ne me suffirait pas d’écrire des phrases simples et vraies pour que mes oeuvres acquièrent la dimension que je tentais de leur donner. J’apprenais beaucoup de choses en contemplant les Cézannes mais je ne savais pas m’exprimer assez bien pour l’expliquer à quelqu’un. En outre, c’était un secret. Mais s’il n’y avait pas assez de lumière au Luxembourg, je traversais le jardin et gagnais le studio où vivait Gertrude Stein, 27, rue de Fleurus. Ma femme et moi avions été nous présenter à Miss Stein, et celle-ci, ainsi que l’amie qui vivait avec elle, s’était montrée très cordiale et amicale et nous avions adoré le vaste studio et les beaux tableaux: on eût dit l’une des meilleures salles dans le plus beau musée, sauf qu’il y avait une grande cheminée et que la pièce était chaude et confortable et qu’on s’y voyait offrir toutes sortes de bonnes choses à manger et du thé et des alcools naturels, fabriqués avec des prunes rouges ou jaunes ou des baies sauvages. C’étaient des liqueurs odorantes, incolores, renfermées en des carafons de cristal taillé, et servies dans de petits verres, et qu’il s’agît de quetsche, de mirabelle ou de framboise, toutes avaient le parfum du fruit dont elles étaient tirées, converti en un feu bien entretenu sur votre langue, pour la délier et vous réchauffer. Miss Stein était très forte, mais pas très grande, lourdement charpentée comme une paysanne. Elle avait de beaux yeux et un visage rude de juive allemande, qui aurait aussi bien pu être friulano, et elle me faisait penser à quelque paysanne du Nord de l’Italie par la façon dont elle était habillée, par son visage expressif, et sa belle chevelure, lourde, vivante, une chevelure d’immigrante, qu’elle relevait en chignon, sans doute depuis le temps où elle était à l’université. Elle parlait sans cesse et surtout des gens et des lieux. Sa compagne, qui avait une voix très agréable, était petite, très brune, avec des cheveux coiffés à la Jeanne d’Arc – comme sur les tableaux de Boutet de Monvel – et un nez très crochu. Elle travaillait à une tapisserie la première fois que nous la vîmes, et tout en s’occupant de son ouvrage elle veillait à la nourriture et à la boisson et bavardait avec ma femme. Elle pouvait entretenir une conversation et en suivre deux autres en même temps tout en interrompant souvent l’une de ces dernières. Elle m’expliqua ensuite qu’elle faisait toujours la conversation avec les épouses. Les épouses, comme ma femme et moi le comprimes aussitôt, n’étaient que tolérées. Mais nous aimions Miss Stein et son amie, bien que cette amie fût terrifiante. Les tableaux et les gâteaux et l’eau-de-vie étaient de vraies merveilles. Les deux hôtesses semblaient nous avoir pris en sympathie, elles aussi, et nous traitaient comme des enfants très sages et bien élevés dont on pouvait beaucoup attendre, et je sentis qu’elles nous pardonnaient d’être mariés et amoureux – le temps arrangerait cela – et, lorsque ma femme les convia à prendre le thé, elles acceptèrent. Elles semblèrent nous aimer plus encore lorsqu’elles vinrent nous voir dans notre appartement: peut-être en raison de l’exiguïté des lieux qui nous rapprochait davantage. Miss Stein s’assit sur le lit, posé à même le plancher, et demanda à voir les nouvelles que j’avais écrites et elle dit qu’elle les aimait, sauf celle que j’avais intitulée: Là-haut, dans le Michigan. «C’est bon, - dit-elle, il n’y a pas de doute là-dessus. Mais c’est inaccrochable. Je veux dire que c’est comme un tableau peint par un artiste qui ne peut pas l’accrocher dans une exposition et personne ne l’achètera non plus parce que nul ne trouvera un endroit où l’accrocher. — Mais pourquoi, s’il n’y a rien de grossier dans le texte et si l’on essaie simplement d’utiliser les mots dont tout le monde se sert dans la vie courante? Si ce sont les seuls mots qui peuvent introduire de la vérité dans un récit, et s’il est nécessaire de les utiliser, il faut les utiliser? — Mais vous n’y êtes pas du tout, - dit-elle. Vous ne devez rien écrire qui soit inaccrochable. Cela ne mène à rien. C’est une erreur et une bêtise.» Elle voulait elle-même être publiée dans l’Atlantic Monthly, me dit-elle, et elle y parviendrait. Elle me dit aussi que je n’étais pas un assez bon écrivain pour être publié dans cette revue ou dans le Saturday Evening Post, mais que je pourrais devenir un écrivain d’un genre nouveau, à ma façon, mais que la première chose que je devais retenir, c’était de ne rien écrire qui fut inaccrochable. Je n’en discutai pas et ne tentai pas non plus de lui expliquer à nouveau ce que je tentais de faire en matière de dialogues. C’était ma propre affaire et je préférais de beaucoup écouter. Cet aprèsmidi-là, elle nous apprit aussi comment acheter des tableaux. «Vous pouvez acheter soit des vêtements, soit des tableaux», - dit-elle. C’est tout le problème. Sauf les gens très riches, personne ne peut acheter à la fois les uns et les autres. Ne faites pas attention à la façon dont vous êtes habillés et encore moins à la mode, et achetez des vêtements qui soient solides et confortables, et l’argent que vous aurez économisé vous servira à l’achat des tableaux. — Mais même si je n’achetais plus jamais un seul costume, - dis-je, je n’aurais jamais assez d’argent pour acheter le Picasso dont j’ai envie. — Non, il n’est pas dans vos prix. Achetez les tableaux d’artistes de votre âge – des gens qui ont fait leurs classes, dans l’armée, en même temps que vous. Vous ferez leur connaissance. Vous en rencontrerez dans le quartier. Il y a toujours de bons peintres parmi les jeunes. Mais il ne s’agit pas tant de vos costumes à vous que des robes de votre femme. Ce sont les vêtements de femme qui coûtent cher.» Je remarquai que ma femme s’efforçait de ne pas examiner les étranges oripeaux de Miss Stein, et elle parvint à se contenir. Quand nos visiteuses nous quittèrent, nous étions toujours bien en cour, pensai-je, et nous fûmes conviés à retourner au 27, rue de Fleurus. Il se passa du temps avant que je fusse invité à me rendre au studio à n’importe quel moment après cinq heures, en hiver. J’avais rencontré Miss Stein au Luxembourg. Je ne me rappelle plus si elle promenait son chien ou non, ni si elle avait un chien en ce temps-là. Je sais que je me promenais moi-même, car nous ne pouvions pas nous payer un chien, alors, ni même un chat, et les seuls chats que je connaissais étaient ceux des cafés ou des petits restaurants, ou les gros chats que j’admirais à la fenêtre des loges de concierge. Plus tard, je rencontrai souvent Miss Stein avec son chien dans le jardin du Luxembourg, mais je crois que cette fois-là elle n’en avait pas encore. J’acceptai donc son invitation, avec ou sans chien, et pris l’habitude de lui rendre visite, dans son studio, et elle m’offrait toujours quelque eau-devie fruitée, insistant pour remplir plusieurs fois mon verre, et je regardais les tableaux et nous bavardions. Les peintures étaient fort intéressantes et la conversation très instructive. C’était elle qui parlait surtout et elle m’initiait à la peinture et aux peintres modernes – insistant davantage sur la personnalité de ceux-ci que sur leur art – et commentait ses propres oeuvres. Elle me montra de nombreux manuscrits qu’elle avait rédigés, et que sa compagne dactylographiait chaque jour. Écrire chaque jour la rendait heureuse, mais quand je la connus mieux, je compris que pour rester heureuse il lui faudrait bientôt voir publier le produit de son travail quotidien et persévérant – dont le volume variait d’ailleurs selon son énergie à l’ouvrage – et obtenir quelque consécration. La situation n’était pas dramatique quand je fis la connaissance de Miss Stein, car elle avait publié trois nouvelles, aisément compréhensibles pour n’importe quel lecteur. L’une de ces nouvelles, Melanctha, était excellente, et des échantillons significatifs de ses oeuvres expérimentales avaient été publiés sous forme de recueil et avaient été favorablement accueillis par des critiques qui l’avaient rencontrée ou la connaissaient. Elle avait une telle personnalité qu’elle pouvait mettre n’importe qui de son côté, si elle le voulait, et qu’on ne pouvait lui résister, et les critiques qui l’avaient rencontrée ou qui avaient vu sa collection de tableaux prenaient ses oeuvres au sérieux, même s’ils n’y comprenaient rien, tant ils étaient enthousiasmés par sa personne et avaient confiance en son jugement. Elle avait aussi découvert plusieurs vérités relatives au rythme et à l’emploi des répétitions; ces découvertes étaient valables et utiles et elle en parlait avec persuasion. Mais elle n’aimait ni peiner sur les corrections ni rendre sa prose intelligible, malgré son vif désir d’être publiée et d’obtenir une consécration officielle, tout particulièrement pour l’un de ses livres, incroyablement long, intitulé Américains d’Amérique. Le début de ce livre était merveilleux et la suite était très bonne, jusqu’à un certain point, avec des morceaux extrêmement brillants, mais tout cela aboutissait à des répétitions interminables qu’un écrivain plus consciencieux ou moins paresseux aurait jetées dans la corbeille à papier. J’en vins à le connaître très bien, car j’incitai – obligeai plutôt – Ford Madox Ford à le publier en feuilleton dans la Transatlantic Review, tout en sachant que la vie de la revue ne pourrait suffire à la publication. Il me fallut relire toutes les épreuves d’imprimerie moi-même, car c’était là un travail dont Miss Stein ne tirait aucune satisfaction. Mais en ce jour froid où j’avais dépassé la loge du concierge et traversé la cour froide pour me réfugier dans la chaleur du studio, rien de tout cela n’était encore arrivé et il s’en fallait de plusieurs années. Cet après-midi-là, donc, Miss Stein faisait mon éducation en matière de vie sexuelle. À cette époque, nous étions très liés et j’avais déjà appris que tout ce que je ne comprenais pas avait sans doute quelque rapport avec la sexualité. Miss Stein pensait que j’étais trop ignare en la matière et je dois admettre que j’entretenais certains préjugés contre l’homosexualité, n’en ayant jamais eu qu’une connaissance fort primaire. Je savais que c’était la raison pour laquelle il fallait avoir un couteau et pouvoir s’en servir quand on se trouvait avec des vagabonds, lorsqu’on était encore un jeune garçon, à une époque où le mot «dragueur» ne désignait pas encore, en argot, l’homme obsédé par le désir d’une femme. Je connaissais bien des expressions et des mots inaccrochables que j’avais appris à Kansas City, ou des coutumes en usage dans certains quartiers de Chicago et sur les bateaux des Grands Lacs. Sous prétexte de l’interroger, j’essayai d’expliquer à Miss Stein qu’un jeune garçon, fourvoyé dans la compagnie des hommes, doit se sentir prêt à tuer un homme, et savoir comment le faire, et savoir aussi qu’il peut être vraiment amené à le faire pour ne pas être «embêté» par des hommes. Ce terme était accrochable. Si vous vous savez prêt à tuer, les autres le sentent très vite et vous laissent tranquille. Mais il est certaines situations dans lesquelles il ne faut pas se laisser mettre ni s’enferrer. J’aurais pu m’exprimer de façon plus claire, en employant un dicton inaccrochable que les dragueurs citaient sur les bateaux des Grands Lacs: «Suffit pas de baiser, faut garer son cul.» Mais je surveillais toujours mon langage devant Miss Stein, même lorsqu’une phrase vraie aurait pu mettre en lumière ou mieux exprimer un préjugé. « Oui, oui, Hemingway, - dit-elle. Mais vous viviez au milieu de criminels et d’hommes pervertis.» Je ne voulus pas en discuter, mais je pensai que j’avais vécu dans le monde tel qu’il est, où l’on trouve toujours toutes sortes de gens, et que j’avais essayé de les comprendre, même si je n’éprouvais aucune sympathie pour certains d’entre eux et haïssais même certains autres. «—Qu’auriez-vous dit de ce vieux monsieur qui avait de si belles manières et un grand nom et qui venait me voir à l’hôpital, en Italie, m’apportait une bouteille de marsala ou de campari et se conduisit de façon irréprochable jusqu’au jour où je dus demander à l’infirmière de ne plus le laisser entrer dans ma chambre? — Ces gens sont des malades et n’ont aucun empire sur eux-mêmes. Vous devriez en avoir pitié. — Dois-je avoir pitié d’Untel? demandai-je. (Je le désignai par son nom ce jour-là, mais il a tant de plaisir à se faire connaître lui-même que je n’éprouve pas le besoin de le nommer ici.) — Non. Il est vicieux. C’est un corrupteur et il a le vice chevillé au corps. — Mais on le tient pour un bon écrivain. — On se trompe, - dit-elle. Ce n’est qu’un cabotin; il aime la corruption pour le plaisir de corrompre et il initie ses victimes à d’autres vices encore – la drogue par exemple. — Et ce Milanais dont je devrais avoir pitié, n’essayait-il pas de me corrompre? — Ne soyez pas stupide. Comment pouvait-il espérer vous corrompre? Est-ce qu’on peut corrompre un grand buveur comme vous, avec une bouteille de marsala? Non, c’était un pauvre vieil homme pitoyable qui ne pouvait s’empêcher de faire ce qu’il faisait. Il était malade et n’y pouvait rien, et vous devriez avoir pitié de lui. — J’ai eu pitié, à l’époque, - dis-je. Mais il m’a déçu parce qu’il avait de si belles manières.» Je bus une autre gorgée d’eau-de-vie et j’eus pitié du vieil homme et levai les yeux vers un «Nu» de Picasso: la fille au panier de fleurs. Ce n’était pas moi qui avais pris l’initiative de la conversation, et je pensais qu’elle devenait un peu dangereuse. Il n’y avait presque jamais de temps morts au cours d’une conversation avec Miss Stein, mais, cette fois, nous avions cessé de parler et elle avait quelque chose à me dire et je remplis mon verre. «— Vous ne savez vraiment rien de ces choses, Hemingway, dit-elle. Vous n’avez rencontré que des criminels, des malades ou des vicieux notoires. Ce qui importe, c’est que l’acte commis par les homosexuels mâles est laid et répugnant; et après ils se dégoûtent eux-mêmes. Ils boivent ou se droguent pour y remédier, mais l’acte les dégoûte et ils changent tout le temps de partenaire et ne peuvent jamais être vraiment heureux. — Je vois. — Pour les femmes, c’est le contraire. Elles ne font rien qui puisse les dégoûter, rien qui soit répugnant; et après, elles sont heureuses et peuvent vivre heureuses ensemble. — Je vois. Mais que diriez-vous d’Une Telle? — C’est une vicieuse. Elle est vraiment vicieuse, de sorte qu’elle ne peut jamais être heureuse si elle ne fait sans cesse de nouvelles conquêtes. Elle corrompt les êtres. — Je comprends. — Vous êtes certain de comprendre?» J’avais tant de choses à comprendre, en ce temps-là, que je fus heureux de changer de sujet. Le parc était fermé et je dus longer les grilles et en faire le tour par la rue de Vaugirard. Le parc fermé et verrouillé semblait triste et j’étais triste moi-même d’avoir à le contourner au lieu de le traverser en hâte pour rentrer chez moi, rue du Cardinal-Lemoine. La journée avait si bien commencé. Le lendemain je travaillerais dur. Le travail guérissait presque tout. C’est ce que je croyais alors, et je le crois toujours. Je pensai que, selon Miss Stein, je devais me guérir de ma jeunesse et de mon amour pour ma femme. Je n’étais plus triste en arrivant chez moi, rue du Cardinal-Lemoine, et je fis part de mes nouvelles connaissances à ma femme. Mais, cette nuit-là, nous fûmes heureux, grâce à nos propres connaissances antérieures et à quelques nouvelles connaissances que nous avions acquises à la montagne.
Читайте дальше по ссылке продолжение книги «Праздник, который всегда с тобой» (Paris est une fête) на французском языке, автор – Эрнест Хемингуэй. Другие книги этого писателя, а также различные произведения известных писателей разных стран мира можно читать в разделе «Книги на французском языке». Книги Хемингуэя и других известных писателей на разных иностранных языках можно читать в разделе «Книги онлайн». |
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