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Книга «Дневники мотоциклиста» (Voyage à motocyclette) на французском языке, Эрнесто Че Гевара – читать онлайн

Книга «Дневники мотоциклиста» (Voyage à motocyclette) на французском языке – читать онлайн, автор – Эрнесто Че Гевара. В основу этой книги легли путевые записи молодого Эрнесто Гевары во время первого путешествия по странам Южной Америки со своим другом Альберто Гранадо. Вполне возможно, что это путешествие стало поворотной точкой дальнейшей судьбы аргентинского студента-медика Эрнесто Гевара. Его друг, Альберто Гранадо, хотел посетить лепрозории в разных странах Южной Америки и остаться работать врачом (что впоследствии и получилось). Эрнесто также мог выбрать этот путь, но в таком случае мы бы даже не знали о его существовании. Нищета и бедствия коренного населения стран Латинской Америки, увиденные воочию во время путешествия, оставили в памяти впечатлительного студента неизгладимый след и определили его дальнейшую судьбу – стать революционером. Альберто Гранадо вспоминал позже, когда они были в Мачу-Пикчу, о своём предложении мирной социальной революции «сверху» в Перу. На что Гевара ответил своим знаменитым выражением, что революцию без стрельбы не делают. И стрельбы в дальнейшей жизни революционера-идеалиста было более чем достаточно… Дневники Эрнесто Че Гевара были переведены на многие самые распространённые языки мира (в том числе и на французский). Кроме того, в 2004-м году на основе этих записей был снят художественный фильм.

Другие произведения самых известных писателей всего мира можно читать онлайн в разделе «Книги на французском языке». Для детей будет интересным раздел «Сказки на французском языке».

Для тех, кто самостоятельно изучает французский язык по фильмам, создан раздел «Фильмы на французском языке с субтитрами», а для детей есть раздел «Мультфильмы на французском языке».

Для тех, кто хочет учить французский не только самостоятельно по фильмам и книгам, но и с опытным преподавателем, есть информация на странице «Французский по скайпу».

 

На этой странице выложены первые несколько глав, а ссылка на продолжение книги «Дневники мотоциклиста» (Voyage à motocyclette) будет в конце статьи. Теперь переходим к чтению книги «Дневники мотоциклиста» (Voyage à motocyclette) на французском языке.

 

Voyage à motocyclette

 

ENTENDONS-NOUS BIEN!

Ce qui suit n'est pas le récit d'exploits fabuleux, ni, à proprement parler, un récit sur le mode «cynique». En tout cas, tel n'est pas le propos. C'est un fragment de nos vies parallèles, au temps où nous parcourions ensemble un même bout de chemin, dans une communauté d'aspirations et de rêves. En neuf mois, bien des choses peuvent venir à l'esprit d'un homme, de la spéculation philosophique la plus élevée à l'envie terre à terre d'une assiette de soupe. Et cela, en totale harmonie avec le vide de son estomac. Et pour peu qu'il soit porté vers l'aventure, cet homme vivra des épisodes auxquels les autres s'intéresseront peut-être et dont le récit épars ressemblerait à ce genre de notes.

La pièce a donc été lancée, elle a fait plusieurs tours; elle est tombée une fois sur «face», une autre fois sur «pile». L'homme, mesure de toutes choses, parle ici par ma bouche et relate avec mes mots ce que mes yeux ont vu. Peut-être bien que sur dix «face» possibles, je n'ai vu qu'une fois le côté «pile», ou vice versa; c'est probable et je n'ai pas de circonstances atténuantes. Ma bouche transmet ce que mes yeux lui ont raconté. Que mon regard n'ait jamais été panoramique, mais toujours fugace et parfois peu équitable, et mes jugements trop catégoriques: d'accord, mais c'est là comme la résonance d'un clavier sous l'impulsion des doigts qui sont venus frapper ses touches, et cette impulsion éphémère est maintenant morte. Il n'y a personne à qui faire porter le chapeau. Le personnage qui a écrit ces notes est mort en foulant à nouveau le sol argentin, celui qui les met en ordre et les polit, ce «moi» n'est pas lui. Du moins il ne s'agit pas du même «moi» intérieur. Cette errance sans but à travers notre «Amérique Majuscule» m'a changé davantage que je ne le croyais.

Dans n'importe quel livre technique sur la photographie, on peut voir l'image d'un paysage nocturne où brille la pleine lune, avec un commentaire nous révélant le secret de cette obscurité en plein soleil. Mais la nature du bain sensitif qui recouvre ma rétine n'est pas connue du lecteur et je n'en ai moi-même qu'une vague intuition, si bien qu'on ne peut pas faire de corrections sur la plaque pour chercher le moment précis où l'image fut prise. Si je vous présente un paysage nocturne, que vous y croyiez ou non, peu importe, car sans connaître personnellement le paysage photographié par mes notes, vous aurez du mal à approcher une autre vérité que celle que je vous livre ici. Je vous laisse maintenant avec moi-même, ou celui que j'étais...

 

PRODROMES

C'était un matin d'octobre. Profitant du pont du 17, j'étais allé à Côrdoba. Sous la treille de la maison d'Alberto Granado, nous avons pris du maté1 sucré et commenté les dernières nouvelles de cette «chienne de vie», tout en nous consacrant à la remise en état de la Poderosa II 2. Alberto déplorait d'avoir dû abandonner son poste à la léproserie de San Francisco de Chanar et son travail si mal payé à l'Hôpital espagnol. Moi aussi, j'avais dû renoncer à mon poste mais, contrairement à lui,je m'en trouvais très heureux; toutefois j'avais également quelques soucis, dont il fallait chercher l'origine dans mon esprit rêveur. J'en avais assez de la faculté de médecine, des hôpitaux et des examens.

Portés par notre rêverie, nous sommes arrivés dans de lointains pays, nous avons navigué sur des mers tropicales et visité toute l'Asie. Et soudain, glissée en passant comme faisant partie de nos rêves, la question a jailli:

— Et si nous allions en Amérique du Nord?

— En Amérique du Nord? Comment?

— Avec la Poderosa, mon vieux.

Voilà comment fut décidé le voyage, un voyage que l'on a toujours mené en fonction du grand principe fixé à ce moment-là: l'Improvisation. Les frères d'Alberto se sont mis de la partie et chacun, par une tournée de maté, a scellé l'engagement inéluctable de ne pas flancher avant de voir nos désirs réalisés. Le reste n'a été qu'une suite monotone de tracasseries à la recherche de permis, de certificats et de documents, c'est-à-dire des moyens de franchir toutes les barrières que les nations modernes opposent à qui veut voyager. Pour ne pas compromettre notre prestige, nous avons décidé de n'annoncer qu'un voyage au Chili. Ma mission la plus importante était de réussir un maximum d'examens avant de partir. Celle d'Alberto, de préparer la moto pour un voyage aussi long et d'étudier l'itinéraire. Tout le côté «transcendant» de notre entreprise nous échappait alors, nous ne voyions que la poussière du chemin et nousmêmes sur la moto, avalant des kilomètres dans notre fuite vers le nord.

 

LA DECOUVERTE DE L'OCEAN

La pleine lune se profile sur la mer et couvre les vagues de reflets argentés. Assis sur la dune, nous regardons le continuel va-et-vient avec deux états d'âme distincts: pour moi, la mer a toujours été une confidente, une amie qui engloutit tout ce qu'on lui raconte sans jamais révéler le secret confié et qui donne le meilleur des conseils: un bruit dont chacun interprète le sens comme il peut. Pour Alberto, c'est un spectacle nouveau qui cause ce trouble étrange dont on perçoit les reflets dans son regard attentif, lorsqu'il suit le développement des vagues qui viennent mourir sur la plage. À presque trente ans, Alberto découvre l'océan Atlantique et ressent à ce moment-là le côté transcendant de cette découverte qui lui ouvre des voies infinies vers tous les points du globe. Le vent frais emplit les sens d'atmosphère marine, tout se transforme à son contact, Come-Back1 luimême regarde, avec son étrange petit museau tendu, la ceinture argentée qui se déroule devant ses yeux plusieurs fois par minute. Come-Back est à la fois un symbole et un survivant.

Un symbole des liens qui réclament mon retour, et un survivant à son propre malheur, à deux chutes de moto au cours desquelles il a valsé, enfermé dans son sac, au sabot d'un cheval qui l'a «ratatiné» et à une diarrhée tenace. Nous sommes à Villa Gesel, au nord de Mar del Plata, chez un oncle à moi qui nous offre l'hospitalité, et nous faisons le bilan des mille deux cents kilomètres parcourus.

Certes, ce sont les plus faciles, mais ils nous permettent néanmoins de mieux évaluer les distances. Nous ne savons pas si nous y arriverons ou non, mais nous sentons que le coût de l'opération sera forcément très lourd. Alberto se moque des plans de voyage qu'il a si minutieusement préparés et selon lesquels nous devrions déjà être près du but final, alors qu'en réalité nous démarrons à peine.

Nous quittons Gesel avec une bonne provision de légumes et de viande en boîte léguée par mon oncle. Il nous a demandé de télégraphier dès notre arrivée à Bariloche, si tant est que nous y parvenions, car il veut jouer le numéro du télégramme à la loterie, ce qui nous paraît excessif. Par ailleurs, d'autres nous ayant dit que la moto n'est qu'un bon prétexte pour faire du footing, nous avons la ferme intention de prouver le contraire. Mais une prudence naturelle nous retient et, même entre nous, nous taisons notre confiance mutuelle.

Sur la route de la côte, Come-Back révèle une nouvelle fois sa vocation d'aviateur et s'en sort à nouveau sain et sauf, malgré un choc terrible. La moto, très difficile à maîtriser à cause du poids qui repose sur le porte-bagages, derrière le centre de gravité, se lève au moindre écart et nous catapulte au loin. Dans une boucherie sur la route, nous achetons un peu de viande à griller et du lait pour le chien qui n'y goûte même pas (ce petit animal commence à m'inquiéter, plus d'ailleurs comme être vivant qu'à cause des 70 mangos que j'ai dû débourser). Les grillades se révèlent être de la jument, une viande extrêmement sucrée, immangeable. Déçu, j'en jette un morceau: le chien se précipite dessus et l'avale en un clin d'oeil. Étonné, je lui en jette un autre bout et l'histoire se répète. On arrête le régime lacté.

Au milieu du brouhaha formé par les admiratrices de Come-Back, j'entre ici à Miramar dans une...

 

... PARENTHESE. AMOUREUSE

En fait, il n'entre pas dans le propos de ces notes de raconter l'étape de Miramar. Le chien y trouva une nouvelle famille dont l'un des membres était justement celle à qui son nom - Come-Back - était dédié. Le voyage y est resté en suspens, indécis, tout entier subordonné au mot de consentement qui me retiendrait.

Alberto voyait le danger et s'imaginait déjà seul sur les routes d'Amérique, mais il ne soufflait mot. Les enchères étaient entre «elle» et moi. Au moment de partir victorieux, le croyais-je, les vers d'Otero Silva résonnèrent à mes oreilles:

Yo escuchaba chapotear en el barco

los pies descalzos

Y presentia los rostros anochecidos de hambre

Mi corazonfue un péndulo entre ella y la calle

Yo no se con qué fuerza me libré de sus ojos

me zafé de sus brazos

Ella quedô nublando de lagrimas su angustia

tras de la lluvia y el cristal

Pero incapaz para gritarme: Espérame,

yo me marcho contigo!

Après cela, j'ai douté qu'un bout de bois ait le droit de dire: j'ai vaincu, lorsque la marée le jette sur la plage où il voulait arriver, mais ça, c'était après. Cet après n'intéresse pas le présent. Les deux jours programmés se sont étirés comme des élastiques jusqu'à devenir huit, et avec la saveur aigredouce des adieux mêlée à mon invétérée mauvaise haleine, je me suis senti définitivement emporté par un souffle d'aventure vers des mondes qui me paraissaient plus étranges qu'ils n'étaient et dans des situations que j'imaginais beaucoup plus normales qu'elles n'ont été.

Je me souviens du jour où mon amie la mer décida de prendre ma défense et de me sortir des limbes où j'errais. La plage était déserte et un vent froid soufflait vers la terre. Ma tête reposait sur le giron qui m'assujettissait à ces contrées. Tout l'univers ondoyait en rythme, obéissant aux impulsions de ma voix intérieure; j'étais bercé par tout ce qui m'entourait. Soudain, un souffle plus puissant altéra la voix de la mer. Je levai la tête en sursaut: ce n'était rien, juste une fausse alerte. De nouveau, j'appuyai mes rêves sur le giron caressant, et je recommençai à entendre l'avertissement de la mer. Son énorme arythmie martelait mon château et menaçait son imposante sérénité. Nous avons eu froid et nous nous sommes mis à l'abri pour fuir la présence qui refusait de me quitter. Sur un petit bout de plage, la mer caracolait, indifférente à sa loi éternelle, et c'est là que naissait la note troublante, l'avis indigné. Mais un homme amoureux (Alberto emploie un adjectif plus savoureux et moins littéraire) n'est pas en état d'entendre les appels de cette nature; dans l'énorme ventre de la Buick, mon univers, fondé sur un côté bourgeois, a continué à se construire. Premier point du décalogue du bon coureur de rallye.

1) Un rallye a deux extrémités. Le point où on le commence et celui où on le termine ; si tu as l'intention de faire coïncider le second, théorique, avec le réel, ne t'occupe pas des moyens (puisque le rallye est un espace virtuel qui ter mine là où il termine, il y a toutes sortes de moyens et de possibilités d'en venir à bout, autrement dit, les moyens sont infinis).

Je me souvenais de la recommandation d'Alberto: «Ôte ce bracelet ou tu n'es plus toi-même.»

Ses mains se perdaient au creux des miennes.

«Chichina, ce bracelet... et s'il m'accompagnait pendant tout le voyage comme un guide et un souvenir?»

La pauvre! je sais qu'elle n'a pas pesé l'or, quoi qu'on en dise: ses doigts essayaient de palper l'amour qui m'avait poussé à demander ces carats. Du moins, je le crois sincèrement. Alberto prétend (non sans malice, il me semble) qu'on n'a pas besoin de doigts très sensibles pour palper la densité «29 carats» de mon amour.

 

JUSQU'A ROMPRE LE DERNIER LIEN

L'étape suivante était Necochea où un ancien camarade d'Alberto exerçait la médecine. Cette étape, nous l'avons facilement ralliée en une matinée, pour arriver juste à l'heure du déjeuner et recevoir un chaleureux accueil dudit collègue, mais pas aussi affectueux de sa femme, qui devait trouver dangereuse notre inexcusable vie de bohème. «Il ne vous manque qu'une année pour terminer vos études et vous partez, et vous ne savez même pas quand vous allez revenir! Mais pourquoi?»

Le fait de ne pas recevoir de réponse précise au «pourquoi» désespéré par lequel elle s'imaginait notre situation, lui donnait la chair de poule. Elle nous a toujours traités avec courtoisie mais on devinait l'hostilité qu'elle nous manifestait, bien qu'elle sût (je crois qu'elle savait) que la victoire lui revenait et que son mari n'avait aucune perspective de fuite.

À Mar del Plata nous avons rendu visite à un ami médecin d'Alberto, qui avait adhéré au parti avec toutes les conséquences que cela comporte; le médecin précédent restait fidèle au sien - le parti radical - et cependant nous nous sentions aussi éloignés de l'un que de l'autre. Le radicalisme, qui pour moi n'avait jamais eu d'importance en tant que position politique, était dépourvu de toute signification aux yeux d'Alberto, bien qu'à une certaine époque il ait eu parmi ses amis quelques personnalités radicales respectées. Lorsque nous sommes montés sur la moto, après avoir remercié le couple ami des trois jours de vie de château qu'il nous avait offerts, nous avons pris la route de Bahia Blanca et nous nous sommes sentis un petit peu plus seuls mais franchement plus libres. Des amis, les miens cette fois, nous attendaient là-bas. Ils nous ont cordialement offert l'hospitalité.

Nous avons passé plusieurs jours dans ce port du Sud, à réparer la moto et à errer à travers la ville. C'étaient nos derniers jours de prospérité économique. Le menu strict, composé de grillades, de polenta et de pain, devait être suivi à la lettre afin de différer un peu les effets de notre débâcle financière. Le pain avait un goût d'avertissement: «D'ici peu, il t'en coûtera de me manger, mon vieux.» Et du coup, nous l'avalions plus goulûment. Comme des chameaux, nous voulions en faire provision pour la suite.

La veille du départ, j'ai attrapé la grippe avec une forte fièvre, ce qui nous a retardés d'un jour. Finalement, nous sommes partis à trois heures de l'après-midi sous un soleil de plomb qui s'est fait encore plus pesant lorsque nous sommes arrivés sur les dunes de sable de Médanos, où la moto, avec son chargement si mal réparti, échappait au contrôle du conducteur et tombait systématiquement à terre. Alberto livrait avec le sable un duel opiniâtre, dont il prétendait sortir vainqueur.

Ce qui est sûr, c'est qu'à six reprises nous nous sommes retrouvés confortablement couchés sur le sable avant de regagner la terre ferme. Nous nous en sommes tirés, bien évidemment, et c'est là le principal argument avancé par mon ami pour revendiquer sa victoire sur le sable de Médanos.

À peine sortis de là, j'ai pris la conduite, en accélérant pour rattraper le temps perdu; une couche de sable fin couvrait une partie du virage et... vous devinez la suite. Ce fut le choc le plus violent de toute notre équipée. Alberto s'en est sorti indemne, mais mon pied à moi est resté coincé sous le cylindre. La brûlure qui s'en est suivie m'a laissé un mauvais souvenir pendant longtemps, avec sa blessure qui ne cicatrisait pas.

Une grosse averse nous est tombée dessus, nous obligeant à chercher refuge dans une estancia, et pour y parvenir, nous avons parcouru trois cents mètres sur un chemin boueux qui nous a envoyés deux fois de plus au tapis.

La réception fut grandiose mais le bilan de ces premiers pas sur des routes non pavées était vraiment alarmant: neuf bûches en un seul jour. Cependant, allongés sur des lits de camps, qui allaient devenir nos lits de tous les jours, près de la Poderosa, notre coquille d'escargot, nous voyions l'avenir avec une joie empressée.

On aurait dit que nous respirions plus librement un air léger qui venait de là-bas, de l'aventure. Des pays lointains, des faits héroïques, de jolies femmes défilaient dans notre imagination débordante. Et devant mes yeux fatigués mais qui pourtant refusaient le sommeil, deux points verts, synthèse d'un monde mort, se moquaient de ma prétendue libération, associant le visage auquel ils appartenaient à mon fabuleux envol au-dessus des mers et des terres de ce monde.

 

CONTRE LA GRIPPE: LE LIT

La moto soufflait, lassée par une longue route sans accident et nous, fatigués, nous soufflions aussi. La conduite sur une route couverte de gravats avait cessé d'être un agréable passe-temps pour se transformer en une besogne ingrate. Et toute une journée passée à conduire à tour de rôle nous avait laissés, le soir venu, beaucoup plus désireux de dormir que de faire encore un effort pour arriver à Choele-Choel, village assez important où nous devions pouvoir être logés gratuitement. Nous avons mis pied à terre à Benjamin Zorilla pour nous installer confortablement dans une pièce inoccupée de la gare. Nous y avons dormi comme des souches.

Le lendemain matin, nous nous sommes levés tôt. Mais quand je suis allé chercher de l'eau pour le maté, une sensation bizarre a parcouru mon corps et tout de suite après, j'ai eu des frissons. Dix minutes plus tard, je tremblais comme une feuille sans pouvoir du tout arranger mon état. Les timbres de quinine restaient sans effet et ma tête était comme un tambour où résonnaient d'étranges marches. De drôles de couleurs, sans forme particulière, se promenaient sur les murs et des convulsions désespérantes me faisaient vomir tout vert. Toute la journée, je suis resté dans cet état sans avaler la moindre bouchée, jusqu'à la tombée de la nuit où j'eus enfin la force de grimper sur la moto et, somnolant sur l'épaule d'Alberto qui conduisait, d'arriver à Choele-Choel. Là, nous avons rendu visite au Dr Barrera, directeur du petit hôpital local et député, qui nous a reçus aimablement et nous a donné une salle pour dormir dans son établissement. C'est là que j'ai commencé une série de piqûres de pénicilline qui m'ont stoppé la fièvre en quatre heures.

Mais chaque fois que nous parlions de partir, le médecin disait en hochant la tête: «Contre la grippe: le lit» (dans le doute, c'est ce diagnostic qui l'a emporté). Nous sommes donc restés plusieurs jours dans cet endroit, où l'on nous traitait comme des rois. Alberto m'a photographié avec ma tenue d'hôpital et mon aspect effrayant, maigre, décharné, avec des yeux énormes et une barbe dont la forme ridicule n'a pas beaucoup changé durant les mois où je l'ai portée. Dommage que la photo ne soit pas bonne, c'était un témoignage sur la diversité de nos modes de vie et des nouveaux horizons que nous cherchions, libres des pièges de la «civilisation».

Un beau matin, le médecin n'a pas hoché la tête de la même manière que d'habitude, et ça nous a suffi. Nous sommes aussitôt partis vers l'ouest, en direction des lacs, notre prochaine étape. La moto marchait avec parcimonie, laissant sentir l'effort exigé d'elle, surtout la carrosserie, qu'il fallait à tout moment retoucher avec la pièce de rechange préférée d'Alberto: le fil de fer. Je ne savais pas d'où il avait extrait cette phrase qu'il attribuait à Oscar Galvez: «Partout où le fil de fer peut remplacer une vis, je préfère, c'est plus sûr.»

Nos pantalons et nos mains portaient des traces tangibles du fait que nos préférences et celles de Gâlvez allaient de pair, du moins pour ce qui est du fil de fer.

Il faisait déjà nuit et nous tentions d'arriver à un endroit habité, car nous manquions de lumière et passer la nuit en rase campagne n'a rien d'agréable. Pourtant, alors que nous avancions lentement, éclairés par le phare, un bruit très étrange s'est soudain fait entendre, sans que nous parvenions à l'identifier.

La lumière du phare ne nous permettait pas de découvrir la cause de ce bruit que, par erreur, nous attribuions à la rupture des amortisseurs. Obligés de rester sur place, nous nous sommes préparés à passer la nuit le mieux possible. Nous avons donc monté la tente et nous nous y sommes glissés pour tromper notre faim et notre soif (il n'y avait pas d'eau à proximité et nous n'avions pas de viande) par un sommeil à la mesure de notre fatigue. Toutefois, la brise du crépuscule n'a pas tardé à se transformer en un vent très violent qui a emporté la tente et nous a laissés à découvert, dans un froid glacial. Nous avons dû attacher la moto à un poteau de téléphone et nous coucher derrière elle après avoir installé l'auvent de la tente de secours. Le vent déchaîné nous empêchait de nous servir de nos lits de camp. La nuit n'a pas été très bonne. Mais le sommeil a finalement triomphé du froid, du vent et de tout le reste, et nous nous sommes réveillés à neuf heures du matin, avec le soleil au-dessus de nos têtes.

À la lumière du jour, nous avons pu constater que le fameux bruit était dû à la rupture du cadre à l'avant. Le problème était de le réparer tant bien que mal et d'arriver à un endroit habité où nous pourrions souder le tube cassé. Nos amis les fils de fer se sont chargés de nous tirer provisoirement d'affaire. Nous avons tout rangé et sommes partis sans savoir exactement combien de kilomètres nous séparaient de l'endroit habité le plus proche. Notre surprise fut de taille lorsque nous avons vu, à la sortie du deuxième virage, une maison éclairée. On nous y a très bien reçus et même rassasiés avec de délicieuses grillades d'agneau. De là, nous sommes repartis pour vingt kilomètres jusqu'à Piedra de Aguila, où nous avons pu souder, mais il était déjà si tard que nous avons décidé de rester dormir chez le mécanicien. Agrémentée d'une chute sans importance pour l'intégrité de notre moto, notre équipée s'est poursuivie en direction de San Martin de los Andes. Alors que nous étions sur le point d'arriver, et que je conduisais, nous avons encore mordu la poussière dans un joli virage couvert de gravats et bordé d'un ruisseau au doux murmure. Cette fois, la carrosserie de la Poderosa a subi des dommages suffisamment graves pour nous obliger à nous arrêter en chemin et, pour comble de malheur, c'est à ce moment-là qu'est survenu l'un des accidents que nous redoutions le plus: la crevaison à l'arrière. Pour réparer, il fallait enlever tous les bagages, c'est-à-dire enlever tous les fils de fer «sûrs» qui maintenaient le porte-bagages et ensuite se battre avec le garde-boue qui défiait la puissance de nos leviers de fortune. Résultat: au moins deux heures de perdues (et travail «crevant»). En fin d'après-midi, nous entrions dans une estancia dont les propriétaires, de charmants Allemands, avaient, par une étrange coïncidence, logé longtemps auparavant un oncle à moi, un vieux renard dont nous imitions maintenant les exploits. Ils nous invitèrent à pêcher dans la rivière qui passait dans l'estancia. Alberto pêcha à la cuiller pour la première fois de sa vie et, sans avoir eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait, il se retrouva avec une forme fugace aux reflets irisés qui tremblaient à la pointe de l'hameçon, c'était un arc-en-ciel, un beau poisson à la chair délicieuse (tout au moins grillé, et avec notre appétit comme condiment). Pendant que je préparais le poisson, Alberto, enthousiasmé par ce premier succès, continua coûte que coûte avec la cuiller, mais, malgré le temps passé à jeter l'hameçon, il n'attrapa rien d'autre. La nuit était déjà tombée, si bien que nous avons dû rester dormir sur place, dans la cuisine des peones.

À cinq heures du matin, l'énorme fourneau, qui occupe le centre de la pièce dans ce type de cuisine, fut allumé et tout se remplit de fumée. Les gens buvaient du maté amer pendant que certains lançaient de malicieuses réflexions sur notre maté aninau, comme on appelle dans ces contrées le maté sucré. Mais, d'une manière générale, ces membres de la race vaincue des Araucans sont peu communicatifs et gardent encore leur méfiance envers l'homme blanc qui, après leur avoir infligé tant de misères, les exploite encore aujourd'hui. À nos questions de [...] sur la campagne et sur leur travail, ils répondaient par un haussement d'épaules et par un «je ne sais pas » ou un « sans doute» qui mettaient un terme à la conversation.

Ici, nous avons eu l'occasion de nous offrir une ventrée de cerises à tel point que, lorsqu'on nous a servi des prunes, j'ai dû capituler pour m'étendre et pour digérer, tandis que mon compagnon de voyage en mangeait quelques-unes «pour ne pas faire la fine bouche». Grimpant aux arbres, nous en mangions avidement, comme si on nous avait fixé un délai pour tout terminer. Un des enfants du propriétaire de l'estancia regardait avec réserve ces «docteurs» à l'aspect patibulaire et dont l'appétit accusait un tel retard, mais il s'est tu et nous a laissés manger jusqu'à ce point si prisé par deux idéalistes de notre espèce, où chacun marche doucement de peur que son ventre n'éclate à chaque pas.

Après avoir réparé le démarreur et d'autres avaries, nous avons poursuivi notre route jusqu'à San Martin où nous sommes arrivés à la tombée de la nuit.

 

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