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Рассказ «Рикки-Тикки-Тави» (Rikki-tikki-tavi) на французском языке, Редьярд Киплинг – читать онлайн

Книга «Рикки-Тикки-Тави» (Rikki-tikki-tavi) на французском языке – читать онлайн, автор – Редьярд Киплинг. Рассказ «Рикки-Тикки-Тави» (Rikki-tikki-tavi) идёт в сборнике Редьярда Киплинга «Книга джунглей» пятым по счёту, нам сюжет этого рассказа знаком по одноимённому мультфильму. Сказку «Рикки-Тикки-Тави», как и другие рассказы из сборника «Книга джунглей», Редьярд Киплинг писал для своей дочери, а в итоге получилось, что для очень многих детей всего мира. «Книга джунглей» была опубликована в конце 19-го века, очень быстро стала популярной и была переведена на многие самые распространённые языки мира (в том числе и на французский). С появлением кино по сюжету рассказов из «Книги джунглей» были сняты фильмы и мультфильмы в разных странах мира и в разные годы.

Другие произведения самых известных писателей всего мира можно читать онлайн в разделе «Книги на французском языке». Для детей будет интересным раздел «Сказки на французском языке».

Для тех, кто самостоятельно изучает французский язык по фильмам, создан раздел «Фильмы на французском языке с субтитрами», а для детей есть раздел «Мультфильмы на французском языке».

Для тех, кто хочет учить французский не только самостоятельно по фильмам и книгам, но и с опытным преподавателем, есть информация на странице «Французский язык по скайпу».

 

Теперь переходим к чтению первого рассказа «Книги джунглей» - «Рикки-Тикки-Тави» (Rikki-tikki-tavi). На этой странице выложена первая половина книги, в конце страницы будет ссылка на продолжение рассказа «Рикки-Тикки-Тави» (Rikki-tikki-tavi) на французском языке.

 

Rikki-Tikki-Tavi

 

(Rikki-Tikki-Tavi)

L' OEil Rouge à la Peau-Ridée

Au trou devant lui dardée,

L'OEil Rouge a crié très fort:

Viens danser avec la mort!

OEil à oeil, en tête à tête!

(En mesure, Nag!)

L'un mort, finira la fête!

(À ta guise, Nag!)

Tour pour tour, et bond pour bond!

(Cours, cache-toi, Nag!)

Manqué! mort à Chaperon!

(Malheur à toi, Nag!)

* * *

Ceci est l'histoire de la grande guerre que Rikki-tikki-tavi livra tout seul dans les salles de bains du grand bungalow, au cantonnement de Segowlee. Darzee, l'oiseau-tailleur, l'aida et Chuchundra, le rat musqué, qui n'ose jamais marcher au milieu du plancher, mais se glisse toujours le long du mur, lui donna un avis; mais Rikki-tikki fit la vraie besogne.

C'était une mangouste. Il rappelait assez un petit chat par la fourrure et la queue, mais plutôt une belette par la tête et les habitudes. Ses yeux étaient roses comme le bout de son nez affairé; il pouvait se gratter partout où il lui plaisait, avec n'importe quelle patte de devant ou de derrière, à son choix; il pouvait gonfler sa queue au point de la faire ressembler à un goupillon pour nettoyer les bouteilles, et son cri de guerre, lorsqu'il louvoyait à travers l'herbe longue, était: Rikk-tikk-tikki-tikki-tchk!

Un jour, les hautes eaux d'été l'entraînèrent hors du terrier où il vivait avec son père et sa mère, et l'emportèrent, battant des pattes et gloussant, le long d'un fossé qui bordait une route. Il trouva là une petite touffe d'herbe qui flottait, et s'y cramponna jusqu'à ce qu'il perdît le sentiment. Quand il revint à la vie, il gisait au chaud soleil, au milieu d'une allée de jardin, très mal en point, il est vrai, tandis qu'un petit garçon disait:

— Tiens, une mangouste morte. Faisons-lui un enterrement.

— Non, - dit la mère, prenons-le pour le sécher. Peut-être n'est-il pas mort pour de bon.

Ils l'emportèrent dans la maison, où un homme le prit entre le pouce et l'index, et affirma qu'il n'était pas mort, mais seulement à moitié suffoqué; alors ils l'enveloppèrent dans du coton, l'exposèrent à la chaleur d'un feu doux, et… Rikki-tikki ouvrit les yeux et éternua.

— Maintenant, dit l'homme (un Anglais qui venait justement de s'installer dans le bungalow), ne l'effrayez pas, et nous allons voir ce qu'il va faire.

C'est la chose la plus difficile du monde que d'effrayer une mangouste, parce que, de la tête à la queue, leur race est dévorée de curiosité. La devise de toute la famille est: «Cherche et trouve», et Rikki-tikki était une vraie mangouste. Il regarda la bourre de coton, décida que ce n'était pas bon à manger, courut tout autour de la table, s'assit, remit sa fourrure en ordre, se gratta et sauta sur l'épaule du petit garçon.

— N'aie pas peur, Teddy, - dit son père. C'est sa manière d'entrer en amitié.

— Ouch! Il me chatouille sous le menton, dit Teddy.

Rikki-tikki plongea son regard entre le col et le cou du petit garçon, flaira son oreille, et descendit sur le plancher, où il s'assit en se grattant le nez.

— Seigneur, - dit la mère de Teddy, et c'est cela qu'on appelle une bête sauvage! Je suppose que si elle est à ce point apprivoisée, c'est que nous avons été bons pour elle.

— Toutes les mangoustes sont comme cela, - dit son mari. Si Teddy ne lui tire pas la queue ou n'essaie pas de le mettre en cage, il courra par la maison toute la journée. Donnons-lui quelque chose à manger.

Ils lui donnèrent un petit morceau de viande crue. Rikkitikki trouva cela excellent, et, quand il eut fini, il sortit sous la véranda, s'assit au soleil, et fit bouffer sa fourrure pour la sécher jusqu'aux racines. Puis, il se sentit mieux.

— Il y a plus à découvrir dans cette maison, se dit-il, que tous les gens de ma famille n'en découvriraient pendant toute leur vie. Je resterai, certes, et trouverai. Il employa tout le jour à parcourir la maison. Il se noya presque dans les tubs, mit son nez dans l'encre sur un bureau et le brûla au bout du cigare de l'homme en grimpant sur ses genoux pour voir comment on s'y prenait pour écrire. À la tombée de la nuit, il courut dans la chambre de Teddy pour regarder comment on allumait les lampes à pétrole; et, quand Teddy se mit au lit, Rikki-tikki y grimpa aussi. Mais c'était un compagnon agité, parce qu'il lui fallait, toute la nuit, se lever pour répondre à chaque bruit et en trouver la cause. La mère et le père de Teddy vinrent jeter un dernier coup d'oeil sur leur petit garçon, et trouvèrent Rikki-tikki tout éveillé sur l'oreiller.

— Je n'aime pas cela, dit la mère de Teddy; il pourrait mordre l'enfant.

— Il ne fera rien de pareil, - dit le père. Teddy est plus en sûreté avec cette petite bête qu'avec un dogue pour le garder… Si un serpent entrait dans la chambre maintenant…

Mais la mère de Teddy ne voulait même songer à de pareilles horreurs.

De bonne heure, le matin, Rikki-tikki vint au premier déjeuner sous la véranda, porté sur l'épaule de Teddy; on lui donna une banane et un peu d'oeuf à la coque, et il se laissa prendre sur les genoux des uns après les autres, parce qu'une mangouste bien élevée espère toujours devenir à quelque moment une mangouste domestique, et avoir des chambres pour courir au travers. Or, la mère de Riki-tikki (elle avait habité autrefois la maison du général à Segowlee) avait soigneusement instruit son fils de ce qu'il devait faire si jamais il rencontrait des hommes blancs. Puis, Rikki-tikki sortit dans le jardin pour voir ce qu'il y avait à voir. C'était un grand jardin, seulement à demi cultivé, avec des buissons de roses Maréchal Niel aussi gros que des kiosques, des citronniers et des orangers, des bouquets de bambous et des fourrés de hautes herbes. Rikki-tikki se lécha les lèvres.

— Voilà un splendide terrain de chasse, - dit-il.

À cette pensée, sa queue se hérissa en goupillon, et il courait déjà de haut en bas et de bas en haut du jardin, flairant de tous côtés, lorsqu'il entendit les voix les plus lamentables sortir d'un buisson épineux.

C'était Darzee, l'oiseau-tailleur, et sa femme. Ils avaient construit un beau nid en rapprochant deux larges feuilles dont ils avaient cousu les bords avec des fibres et rempli l'intérieur de coton et de bourres duveteuses. Le nid se balançait de côté et d'autre, tandis qu'ils pleuraient, perchés à l'entrée.

— Qu'est-ce que vous avez? - demanda Rikki-tikki.

— Nous sommes très malheureux, - dit Darzee. Un de nos bébés, hier, est tombé du nid, et Nag l'a mangé.

— Hum! - dit Rikki-tikki, voilà qui est fort triste… Mais je suis étranger ici. Qui est-ce, Nag?

Darzee et sa femme, pour toute réponse, se blottirent dans leur nid, car, de l'épaisseur de l'herbe, au pied du buisson, sortit un sifflement sourd… un horrible son glacé… qui fit sauter Rikki-tikki de deux pieds en arrière. Alors, pouce par pouce, s'éleva de l'herbe la tête au capuchon éployé de Nag, le gros cobra noir, qui comptait bien cinq pieds de long de la langue à la queue. Lorsqu'il eut soulevé un tiers de son corps au-dessus du sol, il resta à se balancer de droite et de gauche, exactement comme se balance dans le vent une touffe de pissenlit et dévisagea Rikki-tikki de ses mauvais yeux de serpent, qui ne changent jamais d'expression, quelle que soit sa pensée.

— Qui est-ce, Nag? - dit-il. C'est moi, Nag. Le grand Dieu Brahma mit sa marque sur tout notre peuple quand le premier cobra eut étendu son capuchon pour préserver Brahma dormant au soleil… Regarde, et tremble!

Il étendit davantage son capuchon, et Rikki-tikki vit sur son dos la marque des lunettes, qui ressemble plus exactement à l'oeillet d'une fermeture d'agrafe.

Il eut peur une minute: mais il est impossible à une mangouste d'avoir peur plus longtemps, et, bien que Rikki-tikki n'eût jamais encore rencontré de cobra vivant, sa mère l'avait nourri de cobras morts, et il savait bien que la grande affaire de la vie d'une mangouste adulte est de faire la guerre aux serpents et de les manger. Nag le savait aussi, et, tout au fond de son coeur de glace, il avait peur.

— Eh bien! - dit Rikki-tikki, et sa queue se gonfla de nouveau, marqué ou non, pensez-vous qu'on ait le droit de manger les petits oiseaux qui tombent des nids?

Nag réfléchissait et surveillait les moindres mouvements de l'herbe derrière Rikki-tikki. Il savait qu'une mangouste dans le jardin signifiait, tôt ou tard, la mort pour lui-même et les siens; mais il voulait mettre Rikki-tikki hors de garde. Aussi laissa-t-il retomber un peu sa tête et la pencha-t-il de côté.

— Causons…, - dit-il. Vous mangez bien des oeufs. Pourquoi ne mangerions-nous pas des oiseaux?

— Derrière toi!… Attention derrière toi! - chanta Darzee.

Rikki-tikki en savait trop pour prendre son temps à ouvrir de grands yeux. Il sauta en l'air aussi haut qu'il put et, juste au-dessous de lui siffla la tête de Nagaina, la méchante femme de Nag. Elle avait rampé par-derrière pendant la conversation afin d'en finir tout de suite; et Rikki-tikki entendit son sifflement de rage en voyant son coup manqué. Il retomba presque au travers de son dos, et une vieille mangouste aurait su qu'il fallait saisir le moment pour lui briser les reins d'un coup de dent; mais il eut peur du terrible coup de fouet en retour du cobra, et sauta hors de portée de la queue cinglante, laissant Nagaina saignant et furieuse.

— Méchant, méchant Darzee! - dit Nag.

Et il fouetta l'air aussi haut qu'il pouvait atteindre dans la direction du nid au milieu du buisson d'épines; mais Darzee l'avait construit hors de l'atteinte des serpents et le nid ne fit que se balancer de-ci de-là.

Rikki-tikki sentit ses yeux devenir rouges et brûlants (quand les yeux d'une mangouste rougissent, c'est qu'elle est en colère), il se cala sur sa queue et ses pattes de derrière comme un petit kanguroo, regarda tout autour de lui, et claqua des dents de rage. Mais Nag et Nagaina avaient disparu dans l'herbe. Lorsqu'un serpent manque son coup, il ne laisse jamais rien deviner de ce qu'il compte faire ensuite. Rikki-tikki ne se souciait pas de les suivre, car il ne se croyait pas sûr de venir à bout de deux serpents à la fois. Aussi, trottant vers l'allée sablée, près de la maison, s'assit-il pour réfléchir. Il s'agissait pour lui d'une affaire sérieuse.

Si vous lisez les vieux livres d'histoire naturelle, vous y verrez que, lorsqu'une mangouste combat un serpent et qu'il lui arrive d'être mordue, elle se sauve pour manger quelque herbe qui la guérit. Ce n'est pas vrai. La victoire n'est qu'affaire d'oeil vif et de pied prompt, détente de serpent contre saut de mangouste, et, comme nul oeil ne peut suivre le mouvement d'une tête de serpent lorsqu'elle frappe, il s'agit là d'un prodige plus étonnant que les herbes magiques n'en pourraient opérer.

Rikki-tikki se connaissait pour une jeune mangouste et n'en fut que plus satisfait d'avoir su éviter si adroitement un coup porté par-derrière. Il en tira confiance en soi-même, et, lorsque Teddy descendit en courant le sentier, Rikki-tikki se sentait disposé à recevoir des compliments. Mais, juste au moment où Teddy se penchait, quelque chose se tortilla un peu dans la poussière et une toute petite voix dit:

— Prenez garde, je suis la Mort!

C'était Karait, le minuscule serpent brun, couleur de sable, qui aime à se dissimuler dans la poussière. Sa morsure est aussi dangereuse que celle du cobra; mais il est si petit que personne n'y prend garde, aussi n'en fait-il que plus de mal.

Les yeux de Rikki-tikki devinrent rouges de nouveau, et il remonta en dansant vers Karait avec ce balancement particulier et cette marche ondulante qu'il avait hérités de sa famille. Cela paraît très comique, mais c'est une allure si parfaitement équilibrée qu'à n'importe quel angle on en peut changer soudain la direction: ce qui, lorsqu'il s'agit de serpents, constitue un avantage. Rikki ne s'en rendait pas compte, mais il faisait là une chose beaucoup plus dangereuse que de combattre Nag: Karait est si petit et peut se retourner si facilement qu'à moins, pour Rikki, de mordre à la partie supérieure du dos, tout près de la tête, un coup en retour pouvait l'atteindre à l'oeil ou à la lèvre. Rikki ne savait pas; ses yeux étaient tout rouges, et il se balançait d'arrière en avant, cherchant la bonne place à saisir. Karait s'élança. Rikki sauta de côté et tenta de lui courir sus; mais, à moins d'un cheveu de son épaule siffla la malfaisante petite bête grise couleur de poussière, si bien qu'il lui fallut bondir par-dessus le corps, tandis que la tête suivait de près ses talons.

Teddy héla du côté de la maison:

— Oh! venez voir! Notre mangouste qui tue un serpent.

Et Rikki-tikki entendit la mère de Teddy pousser un cri, tandis que le père se précipitait dehors avec un bâton; mais, dans le temps qu'il venait, Karait avait poussé une botte imprudente, et Rikki-tikki avait bondi, sauté sur le dos du serpent, laissé tomber sa tête très bas entre ses pattes de devant, mordu à la nuque le plus haut qu'il pouvait atteindre et roulé au loin. Cette morsure paralysa Karait, et Rikki-tikki allait le dévorer en commençant par la queue, suivant la coutume de sa famille à dîner, lorsqu'il se rappela qu'un repas copieux appesantit une mangouste, et que, pouvant avoir besoin sur l'heure de toute sa force et de toute son agilité, il lui fallait rester à jeun. Il s'en alla prendre un bain de poussière sous des touffes de ricins, tandis que le père de Teddy frappait le cadavre de Karait.

— À quoi cela sert-il? pensa Rikki-tikki; j'ai tout réglé.

Alors la mère de Teddy le prit dans la poussière et le serra dans ses bras, en pleurant qu'il avait sauvé Teddy de la mort; et le père de Teddy traita Rikki de providence; et Teddy regarda tout cela avec de grands yeux effarés. Rikki-tikki se divertissait plutôt de tous ces embarras, que naturellement il ne comprenait pas. La mère de Teddy eût tout aussi bien pu caresser l'enfant pour avoir joué dans la poussière. Rikki s'amusait énormément.

Ce soir-là, en se faufilant parmi les verres sur la table, il lui eût été facile de se bourrer de bonnes choses trois fois plus que de raison, mais il avait Nag et Nagaina présents à la mémoire, et malgré tout l'agrément d'être flatté et choyé par la mère de Teddy, et de rester sur l'épaule de Teddy, ses yeux devenaient rouges tout à coup, et il poussait son long cri de guerre: Rikk-tikk-tikki-tikki-tchk!

Teddy l'emmena coucher et insista pour qu'il dormît sous son menton. Rikki-tikki était trop bien élevé pour mordre ou égratigner. Mais il s'en alla, aussitôt Teddy endormi, faire sa ronde de nuit autour de la maison et, dans l'obscurité, se heurta, en courant, contre Chuchundra, le rat musqué, qui se coulait le long du mur.

Chuchundra est une petite bête au coeur brisé. Il pleurniche et pépie toute la nuit, en essayant de se remonter le moral pour courir au milieu des chambres; mais jamais il n'y parvient.

— Ne me tuez pas, - dit Chuchundra, presque en pleurant. Rikki-tikki, ne me tuez pas!

— Crois-tu qu'un tueur de serpents tue des rats musqués? - dit Rikki-tikki avec mépris.

— Ceux qui tuent les serpents seront tués par les serpents, - dit Chuchundra, plus lamentable que jamais. Et comment être sûr que Nag ne me prendra pas pour vous, quelque nuit sombre?

— Il n'y a pas le moindre danger, - dit Rikki-tikki, car Nag est dans le jardin, et je sais que tu n'y vas pas.

— Mon cousin Chua, le rat, m'a raconté…, commença Chuchundra.

Et alors, il s'arrêta.

— Raconté quoi?

— Chut! Nag est partout, Rikki-tikki. Vous auriez dû parler à Chua dans le jardin.

— Je ne lui ai pas parlé… Donc, il faut me dire. Vite, Chuchundra, ou je vais te mordre!

Chuchundra s'assit, et pleura au point que les larmes coulaient le long de ses moustaches.

— Je suis un très pauvre homme, sanglota-t-il. Je n'ai jamais assez de courage pour trotter au milieu des chambres… Chut! Je n'ai besoin de rien vous dire… N'entendez-vous pas, Rikki-tikki?

Rikki-tikki prêta l'oreille. La maison était aussi tranquille que possible, mais il lui sembla distinguer un imperceptible cra-cra… un bruit aussi léger que celui d'une guêpe marchant sur un carreau de vitre… un crissement sec d'écailles sur la brique.

— C'est Nag ou Nagaina, - se dit-il, qui rampe par le conduit de la salle de bains… Tu as raison, Chuchundra, j'aurais dû parler à Chua.

Il se glissa dans la salle de bains de Teddy, mais il n'y trouva personne, puis, dans la salle de bains de la mère de Teddy. Au bas du mur crépi de plâtre, une brique avait été enlevée pour le passage d'une conduite d'eau, et, au moment où Rikki-tikki s'introduisait dans la pièce, le long de l'espèce de margelle en maçonnerie où la baignoire était posée, il entendit Nag et Nagaina chuchoter dehors au clair de lune:

— Quand la maison sera vide, disait à son mari Nagaina, il faudra bien qu'il s'en aille; alors, nous rentrerons en possession du jardin. Entrez tout doucement et souvenez-vous que l'homme qui a tué Karait est la première personne à mordre. Puis, revenez me dire ce qu'il en advient, et nous ferons ensemble la chasse à Rikki-tikki.

— Mais êtes-vous sûre qu'il y a quelque chose à gagner en tuant les gens? - demanda Nag.

— Tout à gagner. Quand personne n'habitait le bungalow, avions-nous une mangouste dans le jardin?

Tant que le bungalow reste vide, nous sommes roi et reine du jardin; et souvenez-vous qu'aussitôt nos oeufs éclos dans la melonnière… demain peut-être… nos enfants auront besoin de place et de paix.

— Je n'y songeais pas, - dit Nag. J'y vais, mais il est inutile de faire la chasse à Rikki-tikki ensuite. Je tuerai l'homme et sa femme, puis l'enfant si je peux, et partirai sans bruit. Alors, le bungalow sera vide, et Rikki-tikki s'en ira.

Rikki-tikki tressaillit tout entier de rage et de haine en entendant cela. Puis il vit la tête de Nag sortir du conduit, suivie des cinq pieds de long de son corps écailleux et froid. Malgré sa colère, il eut cependant très peur en voyant la taille du grand cobra. Nag se couda, dressa la tête, et son regard parcourut la salle de bains, à travers l'obscurité où Rikki-tikki pouvait voir ses yeux luire.

— Si je le tue maintenant, à cette place, Nagaina le saura; et d'autre part, si je lui livre bataille ouverte sur le plancher, l'avantage lui demeure… Que faire? - se dit Rikkitikki. Nag ondula de-ci de-là, et Rikki-tikki l'entendit boire dans la grosse jarre qui servait à remplir la baignoire.

— Voilà qui est bien, - dit le serpent. Maintenant, lorsque Karait a été tué, l'homme avait un bâton. Il peut l'avoir encore; mais, quand il viendra au bain, le matin, il ne l'aura pas. J'attendrai ici qu'il vienne… Nagaina… m'entendezvous?… Je vais attendre ici, au frais, jusqu'au jour.

Aucune réponse ne vint du dehors, d'où Rikki-tikki conclut que Nagaina était partie. Nag se replia sur luimême, anneau par anneau, tout autour du fond bombé de la jarre, et Rikki-tikki se tint tranquille comme mort. Au bout d'une heure, il commença d'avancer muscle à muscle, vers la jarre. Nag était endormi, et Rikki-tikki contempla son grand dos, se demandant quelle place offrirait la meilleure prise.

— Si je ne lui casse pas les reins au premier saut, se dit Rikki, il peut encore se battre; et… s'il combat… ô Rikki!

Il considéra l'épaisseur du cou plus bas que le capuchon, c'en était trop pour ses mâchoires; et une morsure près de la queue ne ferait que mettre Nag en fureur.

— Il faut que ce soit à la tête, - dit-il enfin; à la tête, audessus du capuchon; et, quand une fois je le tiendrai par là, il ne faudra plus le lâcher.

Alors, il sauta. La tête reposait un peu en dehors de la jarre, sous la courbe de sa panse et, au moment où ses dents crochèrent, Rikki s'arc-bouta du dos à la convexité de la cruche d'argile pour clouer la tête à terre. Cela lui donna une seconde de prise qu'il employa de son mieux. Puis, il fut cogné de droite et de gauche comme un rat secoué par un chien — en avant et en arrière sur le sol, en haut et en bas, et en rond en grands cercles; mais ses yeux étaient rouges et il tenait bon, tandis que le corps du serpent cinglait le plancher comme un fouet de charrue, renversant les ustensiles d'étain, la boîte à savon, la brosse à friction, et sonnait contre la paroi de métal de la baignoire. Tout en crochant, il resserrait l'étau de ses mâchoires, car il ne doutait pas d'être assommé et, pour l'honneur de la famille, il préférait qu'on le trouvât les dents fermées sur sa proie. Malade de vertige, moulu de coups, les chocs, lui semblait-il, allaient le mettre en pièces, lorsque, juste derrière lui, partit comme un coup de tonnerre; une rafale brûlante lui fit perdre connaissance et une flamme lui roussit le poil. L'homme, réveillé par le bruit, avait déchargé les deux canons de son fusil sur Nag, juste derrière le capuchon.

Rikki-tikki, les yeux fermés, continuait à tenir bon, car à présent il était tout à fait certain d'être mort; mais la tête ne bougeait plus et l'homme, le ramassant, dit:

— C'est encore la mangouste, Alice; et c'est notre vie que le petit bonhomme a sauvée, cette fois.

Alors vint la mère de Teddy, le visage tout blanc, contempler ce qui restait de Nag; et Rikki-tikki se traîna jusqu'à la chambre de Teddy, où il passa le reste de la nuit à se secouer délicatement pour se rendre compte s'il était vraiment brisé en quarante morceaux, comme il lui paraissait.

 

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